Tereos « Structurer la valeur de notre outil coopératif »
Jean-Charles Lefebvre, vice-président du conseil de surveillance de Tereos, répond aux critiques sur la gestion de la coopérative. Il trace aussi la feuille de route pour les années à venir, avec notamment le projet d’ouverture de capital. Dans ce contexte, il appelle les planteurs à se resserrer plutôt que de se déchirer.
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Que répondez-vous aux critiques sur les mauvais résultats financiers de Tereos présentés récemment ?
Jean-Charles Lefebvre. Le monde sucrier est dans une tempête générale au niveau européen, tout le monde est touché et aura des mauvais résultats. Peu importent les chiffres, ce n’est pas le souci, chacun a ses obligations comptables, ses dates de clôture différentes. Le premier gros signal dangereux qui vient d’apparaître la semaine dernière, c’est l’annonce forte de Südzucker de réduire la production de 700 000 tonnes de sucre par an. Je dis cela pour faire comprendre la difficulté du moment, on n’est pas dans une époque où on a les moyens de se déchirer bêtement alors que l’économie n’est plus en faveur de notre revenu betteravier.
Qu’entreprend le groupe pour défendre le revenu betteravier ?
Aujourd’hui notre seul souci, c’est d’apporter un revenu à nos producteurs de betteraves. Nous avons une stratégie très claire depuis 2012, lorsque nous avons reconfiguré l’entreprise dans un schéma différent pour se préparer à la libéralisation des marchés. Si on n’avait pas été au Brésil dans les années 2000, il y a beaucoup de choses que l’on n’aurait jamais comprises sur le marché international. Notre force aujourd’hui, c’est de savoir où on va vendre notre sucre, car il faut savoir que deux tiers de notre sucre est exporté.
C’est bien le choix que l’on a fait avec l’appui de la diversification qui a permis de consolider le prix d’accueil dans ce monde nouveau, avec ces deux années à 25 €/t. Tout cela nous amène à une position de force, nous ne sommes pas démunis face à ce qui nous arrive. On a simplement besoin de resserrer les liens politiques. Il faut juste rester réaliste et ne pas avoir peur.
Quelle est la feuille de route de Tereos pour les prochaines années ?
Dans un premier temps, il faut qu’on finisse la réalisation de la coopérative unique sur un plan politique et agricole. On fait travailler en amont un certain nombre d’élus dans des commissions, des conseillers de région, sur des sujets : betteraves, pommes de terre, luzerne ; sur des sujets économiques divers. Mais cela nécessite que tout le monde participe à ces commissions, c’est là qu’on construit le Tereos de demain. On a besoin d’aller vite, il n’y a pas de temps à perdre car l’économie ne nous attend pas.
Par ailleurs, ce qui nous a permis d’engager des choix de prix pour les deux premières années c’était aussi tous les efforts de gestion et l’optimisation de nos outils industriels. On a réentamé un nouveau chantier qui a pour but d’ici 2022 de réduire d’environ encore de 200 millions d’euros l’ensemble de nos charges. Ce projet « Ambition 2022 » est en cours.
On a aussi un projet en réflexion qui consisterait à augmenter le capital de la coopérative. Mais tout reste à faire, c’est en construction. C’est un débat très politique, qui doit se faire avec les adhérents afin que le projet soit compris. On a déjà commencé à en parler. Le modèle dans lequel on est doit évoluer très rapidement, afin qu’il sécurise le revenu de nos planteurs.
Quels sont les objectifs de cette ouverture de capital ?
Il y a deux objectifs. Le premier serait de valoriser la part d’entrée dans la coopérative et qu’elle puisse avoir une valeur de sortie liée aux actifs présents ou le jour où les gens quittent la coopérative, afin qu’on retrouve une part plus capitalistique dans son outil. Cela permettrait d’associer le coopérateur au développement de son outil.
Deuxième objectif : demain, ce qu’on peut imaginer, c’est en ayant mis d’un côté la collecte des betteraves, des pommes de terre et de la luzerne, et de l’autre côté une valorisation de nos outils industriels, on pourrait être en capacité de s’approcher de gens qui ont et auront des projets, dans la finalité qui nous intéresse et à des fins pas forcément agricoles directes, mais aussi dans la transformation.
Jusqu’à aujourd’hui, on a construit notre diversification sur du développement par association. On trouvait un partenaire qui avait une complémentarité avec nos activités et on rentrait à son capital. C’est ce qu’on a fait par exemple dans l’amidon. Il ne faut pas qu’on change notre ligne qui a été celle d’évoluer avec du concret. On a toujours recherché des partenaires qui disposaient d’outils industriels où il y avait de la marge de transformation. Le problème aujourd’hui, c’est que le marché s’est fortement réduit en France et en Europe et on est obligé d’être très ouvert, de toute façon le marché du sucre est mondial aujourd’hui.
Dans tous les cas, on restera majoritaire, on veut juste trouver des projets intéressants. Aujourd’hui, il faut être associé avec des partenaires plus importants, qui soient à la taille de Tereos. On a besoin de structurer la valeur de notre outil et l’associer à un projet dans lequel des gens seraient capables d’investir avec nous. Il faut s’adapter à un contexte économique très compliqué mais construire cette carapace industrielle forte, capable de résister.
Propos recueillis par Isabelle Escoffier
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